Images de l'ascension (les images apparaissent dans une fenêtre séparée)
Au parking de la Bérarde Au parking
Vue d'ensemble de la face nord Les Bans
Zoom sur le couloir nord Le couloir nord
Le couloir en contre-plongé Couloir vu du bas
Pic dans le couloir Dans le couloir
Pic un peu plus haut dans le couloir Plus haut
Début de la descente Début de la descente
accueil alpinisme

Les Bans (3669 m)

Couloir Nord

En ce début mai je n'ai encore aucune sortie dans les jambes et je n'ai rien fait de l'hiver mais l'idée que le couloir nord des Bans est en condition, et le vague souvenir que c'est un couloir court, me motivent suffisamment pour envisager cette course. En plus j'ai confiance en Bertrand qui prépare l'aspirant-guide et il a déjà gravi cette montagne ; il connaît donc la descente. Nous partons donc pour la Bérarde où je n'ai pas mis les pieds depuis plusieurs années. Avec les raquettes qui dépassent, la corde qui pend et la veste qui surplombe l'ensemble mon sac ressemble vraiment à du grand n'importe quoi et la montée est laborieuse, surtout dans les dernières pentes de neige transformée qui ponctuent la longue montée au refuge. Mais la vue sur la face nord des Bans avec le fin couloir qui fait plutôt penser à une goulotte justifie pleinement notre présence ici. Il semble en bonnes conditions et une autre cordée l'envisage pour le lendemain. Bizarrement nous sommes les deux seules cordées en hors-sac, tous les autres ayant opté pour le confort du dîner. Habitué depuis quelques années maintenant à ce luxe nouveau avec mes amis suisses, ce retour aux repas rudimentaires achève de me remettre dans l'ambiance des sorties plus sauvages que je faisais il y a quelques années, ou aux refuges d'hiver.

La nuitée très courte remet aussi dans l'ambiance, et la descente matinale sur le glacier se fait dans le silence. Le brouillard vient compliquer la donne mais je reste confiant car Bertrand comme un des alpinistes de l'autre cordée connaissent l'approche de la face nord des Bans. Je suis un peu optimiste car, me reposant sur eux, j'ignore que cette approche est en fait très complexe et tout en zigzags. Après avoir fait un 360° et retrouvé nos traces, nous nous entretenons avec l'autre cordée pour trouver la bonne pente de neige. Cap à gauche, mais quand le temps se lève deux heures plus tard on se rend compte que l'on est loin à gauche de l'attaque. Après avoir peiné dans une neige profonde (et encore, je ne faisais pas la trace), cette vision n'est pas une bonne nouvelle, et il nous faut presque une heure de traversée pour se retrouver à l'aplomb du couloir. Il est 7h mais nous décidons tous de continuer d'autant plus que les conditions de neige dans le couloir sont très bonnes. La légendaire rimaye passe bien pour tout le monde sauf moi qui tombe avec, mais finalement on se retrouve les deux cordées côte à côte dans une neige très dure puis de la glace. Avec deux piolets traction ça reste assez facile techniquement mais je suis déjà fatigué par nos heures d'errance et je laisse Bertrand faire les longueurs en tête. Après quatre longueurs de glace le couloir se rétrécit et la neige réapparaît un peu mêlée à la glace. Nous partons alors en corde tendue jusqu'à la brèche et nous perdons de vue nos deux compagnons.

Une fois là-haut se pose la question de la descente. Il a neigé au cours des jours précédents et traverser les arêtes pour rejoindre la voie normale semble long et risqué. La traversée des arêtes de droite jusqu'à un rappel ou la descente par le Macho semblent les meilleures options et Bertrand part le premier dans cette direction. Il fait un relais pour me faire venir au bout de 20m après un passage plus technique, et je comprend alors que la traversée des arêtes promet d'être périlleuse. Elle fait entre 20cm et 1m de large, tout en dents de scie, avec 30 à 50 cm de neige fraîche sans cohésion. On ne saurait pas que c'est l'itinéraire "normal" pour rejoindre la descente, jamais on ne s'aventurerais dans ce numéro d'équilibriste. Bertrand veut que je passe en tête. Je rechigne un peu parce que je suis épuisé mais je passe devant, et Bertrand me suit à 20m. Commence alors un numéro de funambule et je revois en images les premiers alpinistes français sur les Tours de Trango, à califourchon sur une arête effilé. Je fais un peu la même chose, nettoie le rocher pour ôter la couche de neige à la recherche d'appuis sûrs, tantôt sur le fil tantôt en contrebas, à escalader, contourner ou sauter des gendarmes. Je pose vaguement deux sangles sur le parcours, et la concentration me fait oublier la fatigue. J'essaie de repérer les corniches et de toujours coincer un piolet quelque part. On ne voit toujours par arriver les deux alpinistes qui nous accompagnaient et on commence à de faire du soucis. Bon an mal an nous parvenons à un dernier gendarme qui cache une sangle de rappel. C'est un véritable soulagement et nous pouvons nous sustenter un peu avant de reprendre la descente.

Heureusement la neige est très bonne sur ce versant et nous avons tôt fait de nous retrouver à la base de la face. Je comprend alors la complexité de l'approche en faisant à la descente le chemin idéal que nous aurions du emprunter à la montée. Toujours pas de trace de nos deux collègues.

Finalement nous les apercevons alors que nous approchons du refuge. Ils entament à peine la descente par le Macho mais sont eux aussi hors de danger. Finalement ça fait une bonne bambée de 15 heures en comptant l'interminable descente sur la Bérarde. Un peu long pour une première sortie de l'année et je suis dans un état loqueteux quand j'arrive à la voiture : des ampoules, un onglé décollé, mal au crâne, au dos et aux genoux, la salopette éventrée par un coup de crampon et la peau roussie par manque de crème solaire. Mais bien content malgré tout d'avoir réussi le couloir nord des Bans car cette course n'est pas longtemps en conditions.