Images de l'ascension (les images apparaissent dans une fenêtre séparée)
Parapente et Dôme du Goûter Parapente
La face nord de l'Aiguille du Midi L'Aiguille du Midi
L'éperon Frendo Zoom sur l'éperon Frendo
L'itinéraire Frendo Détail de l'itinéraire
Greg à l'attaque Greg à l'attaque
La sortie de l'arête La sortie de l'arête
accueil alpinisme

Aiguille du Midi (3842 m)

Eperon Frendo

La face nord de l'Aiguille du Midi n'évoque pas pour l'alpiniste la grandeur et la difficulté des faces nord du bassin d'Argentière ou des Grandes Jorasses. Les causes sont multiples : le sommet ne culmine pas à 4000 mètres, la face ne donne pas l'impression de muraille verticale de ses consoeurs, elle est familière car visible depuis Chamonix, et facilement accessible à pied comme en téléphérique. Ce dernier, bien pratique pour les alpinistes, a tué le charme de cette montagne qui devait être considérée avec beaucoup plus de respect par les Chamoniards avant son installation. Pourtant, les courses dans cette face présentent en général 1000 mètres de difficultés techniques, et le dénivelé total de la gare intermédiaire du téléphérique au sommet est de 1600 mètres. Pour l'avoir fait déjà une fois, par le couloir Eugster diagonal, je sais que cette face ne doit pas être sous-estimée et qu'il faut être en bonne forme physique pour ne pas y souffrir.

Cette fois c'est pour gravir une classique parmi les classiques, l'éperon Frendo, que nous sommes venus dormir au refuge du plan de l'aiguille. On est seulement au mois de juin mais la voie la plus "facile" de la face, le couloir Mallory-Porter, n'existe déjà plus. Le gardien nous dit même qu'on doit s'attendre à trouver de la glace sur la partie terminale de l'arête. Les conditions ne sont peut-être pas idéales pour les alpinistes mais les parapentistes, eux, s'en donnent à coeur joie avant le coucher du soleil.

Nous partons tôt, comme souvent, en direction de l'éperon que l'on a bien observé la veille. Deux autres cordées ont le même objectif mais nous sommes suffisamment espacés pour ne pas nous marcher dessus. Greg passe le premier dans la neige et le mixte de l'attaque puis ensuite c'est mon tour dans le rocher. La difficulté n'est pas extrême mais en grosses et avec un sac sur le dos, nous tirons des longueurs tout du long pour s'assurer convenablement (et souffler, car l'altitude se fait vite sentir pour nous qui ne sommes pas acclimatés). La première cordée est loin devant, et l'autre a une longueur ou deux de retard sur nous. Alors que j'hésite entre deux options pour rejoindre un superbe dièdre, un alpiniste que je n'avais même pas vu arriver déboule sur ma plateforme et fonce sans hésiter vers le dièdre. Cet aspirant-guide est suivi tant bien que mal par deux autres grimpeurs encordés en flèche et la cordée va bon train. Ils sont partis de la première benne et nous doublent aux deux tiers de l'ascension ! Je leur emboîte le pas mais les perd rapidement de vue...

Après un dernier passage retors qui nous oblige à nous délester de nos sacs pour ne pas rester coincés, nous atteignons enfin la base de l'arête de neige qui a fait la célébrité de cet itinéraire. Un coup d'oeil à la montre confirme ce que l'on craignait : la dernière benne ne sera pas pour nous. Et une autre mauvaise surprise nous attend car l'arête est entièrement en glace ! Greg reprend la tête mais nous inversons rapidement les rôles : il a un gros coup de pompe et peine à avancer. Je repars donc devant et pose un relais tous les 50 mètres pour qu'il puisse s'y vacher. Une fois arrivés sous le dernier bastion rocheux, nous voyons les traces des 3 sprinters qui ont tiré au plus court sur la droite, avec un seul piolet chacun en traversée sur la glace vive ! Nous optons plutôt par un contournement par la gauche qui permet un meilleur assurage du second. La pente devient plus raide mais Greg a retrouvé assez de force pour trouver la sortie jolie.

La luminosité a fortement décru lorsque nous terminons la pénible remontée vers la gare du téléphérique. Et pas seulement à cause de l'heure tardive : de gros nuages noirs s'amoncèlent en prévision d'un orage. Nous apercevons la dernière cordée qui atteint le pied de l'arête de glace et se prépare à un bivouac sur la plateforme. Avec le gros temps qui s'annonce nous n'aimerions pas être à leur place.

Lorsque nous trouvons enfin refuge dans les galerie de l'Aiguille du Midi nous ne sommes pas les seuls : un dizaine d'autres alpinistes se sont déjà entassés sur des tapis de fortune et se préparent à une mauvaise nuit. En apprenant que l'on vient du Frendo certains, qui semblent les connaître, nous demandent des nouvelles de la cordée mixte qui nous suivait. Nous leur expliquons leur mauvaise fortune car il ne fait pas bon être dehors par ce temps ! Déjà qu'à l'intérieur des tunnels nous passons une nuit blanche à cause du froid et du bruissement des couvertures de survie, je n'ose pas imaginer l'inconfort de leur situation. La nôtre prend une meilleure tournure le lendemain matin lorsque la première benne se décide enfin à descendre vers Chamonix et ses terrasses où nous rêvons de boire un café bien chaud.