Images de l'ascension (les images apparaissent dans une fenêtre séparée)
Sortie du couloir Couturier Au sortir du couloir
Au sommet de la Verte Au sommet de la Verte
Au sommet de la Verte Au sommet de la Verte
Panorama depuis le sommet Panorama du sommet
La rimaye du couloir Whymper La rimaye du couloir Whymper
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Aiguille Verte (4121 m)

Couloir Couturier

Si nous sommes montés au refuge d'Argentière Manu et moi, ce n'est pas pour contempler l'impressionnant rideau que forment les faces nord, ni même pour le couloir en Y gravi ce matin. Notre véritable objectif est la Verte par le couloir Couturier, ligne directe de 1000 mètres du glacier jusqu'au sommet, seulement interrompue par une rimaye complexe. Ce sera pour nous une incursion initiatique dans le monde des "grandes courses", car ni Manu ni moi n'avons fait d'ascensions de cette envergure. La course 79 des 100 plus belles de Rébuffat a depuis longtemps cessé d'être un simple numéro : elle est passée au stade de rêve et bientôt, nous l'espérons, de réalité.

Nous sommes au refuge depuis deux jours et nous n'avons pas encore pu apercevoir le sommet de l'Aiguille Verte, toujours masqué par les nuages. Impossible de savoir si le couloir est menacé par des séracs, si l'arête est cornichée, ou si des tâches grises trahissent la présence de plaques de glace. Manu croque en quelques coups de crayon l'attaque du couloir, les îlots rocheux qui l'entourent et la rimaye pour avoir des points de repère cette nuit.

Je n'arrive pas à fermer l'œil cette nuit-la malgré l'ascension de l'Aiguille d'Argentière réalisée le jour même, sans doute à cause du stress de la course qui nous attend. Je me lève à 0 h 15, reposé physiquement mais pas nerveusement, et me force à avaler un petit-déjeuner. Manu me rejoint à 0 h 45, préférant une demi-heure de repos supplémentaire à un repas complètement décalé. Lorsque nous sortons du refuge à 1 h du matin, c'est pour constater que le glacier est dans la brume. Plus haut par contre le ciel est dégagé et nous apercevons des frontales parties des Grands Montets une heure plus tôt.

La traversée du glacier nous prend presque deux heures, entièrement à la boussole. Heureusement Manu a appris à garder un cap, même avec une légère pente, lors des stages pour le BE d'accompagnateur moyenne montagne. Nous quittons la nappe de brume juste au pied du couloir et faisons une courte pause casse-croûte sous la rimaye. Au dessus de nous une bonne demi-douzaine de cordées s'échelonnent dans la pente.

Après la double rimaye franchie en piolet-traction, seule section vraiment technique, nous entamons la longue ascension du couloir. Nous nous efforçons d'aller vite tout en conservant toujours trois appuis, ce qui demande une certaine discipline. En effet, la régularité, pour ne pas dire la monotonie, de la pente et les belles traces laissées par nos prédécesseurs nous incitent à gambader, ce qui serait préjudiciable à notre sécurité.

Les bonnes marches du départ font bientôt place à une section de neige très dure, presque de la glace, qui nous oblige à monter en pointes avant. Les séances d'escalade en dalle doivent être un bon entraînement car nous conservons notre allure là où les autres cordées multiplient les pauses. Les mollets en feu mais sans ralentir la cadence nous doublons deux cordées à la fin de cette section de 300 de neige dure. La deuxième portion est plus facile, la moitié de la chaussure rentrant dans les marches et nous sortons bientôt sur l'arête à droite du couloir. Quelques efforts supplémentaires et nous sommes au sommet, à 6 h 40. Nous pouvons contempler le massif du Mont Blanc dans la lumière rasante du petit matin, heureux d'être arrivés là assez facilement. Mais nous ne relâchons pas notre attention pour autant car la descente par le couloir Whymper est aussi délicate que la montée par le Couturier.

Après une rapide traversée de l'arête reliant la Verte à la Grande Rocheuse nous commençons la descente des 600 mètres de couloir à 45°. Une cordée a choisi de tirer des rappels alors que la neige est encore bonne, et nous décoinçons leur corde en passant, avant de les doubler. A mon sens ils n'ont pas choisi la bonne option mais peut-être sont-ils trop fatigués pour descendre dans la pente. J'ai aussi du mal à rester éveillé après deux courses de suite et une nuit blanche mais je me force à rester vigilant. Un petit rappel sur deux pitons en rive gauche permet de franchir la rimaye et met fin à 2 h 30 de descente pénible. Nous sommes maintenant relativement en sécurité et ralentissons l'allure. Nous célébrons cette belle course en dévorant (pardon, en dégustant) deux parts de tarte aux myrtilles chacun au sympathique refuge du Couvercle, puis une bière fraîche et une pizza quelques heures plus tard dans la vallée.